Le Search est sans limite. On partira aussi loin que la terre nous laissera. Dans chaque océan, chaque mer, on cherche les vagues les plus mystérieuses et inconnues. Et on les trouve et on les surfe. Des vagues qui sortent des glaciers, d’autres en pleine rivière ou celles qui s’enroulent en droite sur un sol sablonneux tel un crotale qui file en crachant et broyant tout sur son chemin.
L’Indonésie est rentrée dans mes radars grâce au film de Jack McCoy Sons of Fun, et ce ne sont pas les récifs verts immaculés du Bukit qui ont attiré mon attention mais les pics opaques de Balian qui m’ont fait perdre l’esprit de gamin plein de rêves. A cette époque je n’avais jamais voyagé à l’étranger, et Bali dans ce film me semblait complètement « alien » mais en voyant à quel point les gars s’éclataient à fond j’étais convaincu que c’était l’endroit où aller. Un an plus tard, j’ai eu cette chance.
En 1998 je suis rentrée dans l’équipe du « World Grommet Titles » à Kuta Beach. Je n’oublierai jamais la descente de l’avion et la gifle au visage par l’air chaud si classique et gluant, avant de rentrer dans la tonne de fumée rance de Gudang. A cette époque, les gens pouvaient fumer n’importe où et chaque personne avait une Gudang accrochée à ses lèvres. Les employés du Terminal , les chauffeurs de taxi, le staff dans les hôtels, tous en train de tirer sur leurs clopes comme les cheminées dans Mary Poppins.
Je partageais une chambre avec Joel Parko et la première chose que les coachs nous ont annoncée c’est l’interdiction de louer des vélos. Alors, bien sûr, Parko est parti en louer un dès qu’ils avaient tourné le dos. Il finit dans le mur aussi sec. Et le détruit totalement. On a vite compris que Bali est l’endroit idéal pour un jeune ado. C’était tellement exotique et intense comparé à chez nous. Quand on marchait dans les rues de Kuta, les gens nous attrapaient le bras pour nous tirer dans leurs boutiques. Les enfants nous attachaient des bracelets aux poignets. Tout le monde était amical, mais en même temps on pouvait se faire arnaquer à tout moment. On gardait notre argent dans nos sous-vêtements. On nous demandait d’être prudent, mais on n’écoutait rien… Parceque la seule chose qu’on voulait c’était d’aller au Bounty. Ce genre d’endroit… qui te rend dingue.
Pendant ce voyage, on a surfé principalement sur les spots de Kuta. On est allé à Bukit une fois et on a surfé Outside Corner assez gros mais on sans risque. On a aussi surfé Balian et c’était un rêve qui devient réalité. A chaque vague je pensais être Dorian ou Margo faisant des turns de dingues… J’étais assez maigrichon à cette époque, je devais générer autant de spray que de la buée sortant d’une théière.
En y repensant, il est très clair que je ne captais rien de la beauté et du pouvoir spirituel de Bali et de l’ Indonésie en général, mais une fois que le Search a rendu cette destination un stop régulier durant une longue période de ma vie, j’ai commencé à comprendre la signification de ces îles, la magie des populations et pourquoi l’archipel détient une place sacré dans le surf.
les Search ne se passent généralement pas sur des destinations populaires trop fréquentées mais on sait bien qu’il faut chérir assidûment un vieux joyau.
Ce sont les histoires et le folklore transmis par les anciens warriors d’Indos qui m’ont amené le savoir qui me manquait à 16 ans. C’étaient des gars qui avaient sérieusement baroudé et exploré tous les recoins de cette région. J’ai commencé à comprendre l’énergie de l’endroit. Les capitaines de bateaux particulièrement, semblaient avoir un sixième sens. Ils se référaient autant à leurs intuitions qu’aux informations émanant de prévisions et talki-walkies. A cette époque on n’avait pas de téléphone et on se basait sur ses tripes et 9 fois sur 10 on chopait les meilleurs swell de l’année. Raconter des histoires est aussi un art pour ces gens… Quand il parlaient, on écoutaient.
Malgré tout le temps passé en Indonésie ce n’est qu’au bout de 10 ans que je suis retourné à Bali. En sortant de l’avion je me suis immédiatement senti connecté à l’endroit d’une manière qui m’avait échappé en tant qu’enfant. Et bien que n’y étant que peu retourné entre temps, mon ressenti de l’île a totalement changé.
En fait, c’est avec des visions de Gerry Lopez, Peter McCabe, Albe Falzon et Al Byrne… Tous ses gars à fond surfant Ulus et Padang sur des swells énormes tous seuls à cette époque… que Mason et moi avons décidé d’aborder cette nouvelle visite de Bali et des îles alentours. C’était une mission à part entière à travers la houle pourpre déroulant sous la pleine lune du singe rouge, « The Red Monkey Full Moon ».
Comme je l’ai dit, les Search ne se passent généralement pas sur des destinations populaires trop fréquentées mais on sait bien qu’il faut chérir assidûment un vieux joyau.Considérant que je n’avais jamais surfé ces spots indos en particulier, il semblait logique de les placer en haut de la liste des priorités. C’était dur de casser le rythme de toujours trouver quelque chose de nouveau et au contraire de repartir dans le passé en visitant une vague tellement emblémathique.
Avec un swell costaud annoncé, Mason et moi sommes partis tôt le matin en bateau, quittant Bali via le canal direction Java. En approchant le récif c’était clair que le spot était en feu et plus nous approchions moins on en croyait nos yeux. Des beautés de 2,5m qui nous fixaient droit dans les yeux avec zéro surfeurs à l’eau.
Son surf là-bas, est du pur spectacle. Je ne sais pas si il est Rick james ou James Brown mais il est aussi funky que disco ou encore soul ou les trois en même temps.
Quelqu’un dit que cela devait encore s’améliorer avec la marée et qu’il était temps d’aller sur la terre ferme prendre un petit déjeuner. Mais il n’en était pas question, c’était déjà parfait ! Avec un line-up vide pourquoi perdre du temps ? Au final se fut une journée vraiment spéciale. C’était aussi la date d’anniversaire de mon frère Sean et je pensais à lui et au plaisir qu’il aurait eu à surfer ces gauches parfaite en tant que goofy-foot. Les vagues étaient absolument dingues. Super consistantes. Grosses et mêchantes, parfaites pour pousser aussi fort et aller aussi vite que possible. Je me suis senti tellement connecté avec mon surf ce jour-là…Tout était absolument parfait. Je volais tout simplement.
Après ça, Mase et moi avons repris la route en direction d’une autre gauche mythique, la préférée de Mason. Cette chose tube du début à la fin, grossissant et speedant quand elle s’approche du récif. Il y a cette fameuse histoire concernant Peter Crawford jetant sa planche au sol et abandonnant le surf trois mois juste après avoir pris un tube de 2 minutes. Il pensait sincèrement que plus jamais il ne revivrait une telle expèrience de sa vie entière.
Je l’avais déjà surfée une fois mais ne l’avait pas appréciée tant que ça. Il y avait beaucoup de monde à l’eau et je n’avais pas attrapé de vraiment bonnes vagues. Cette fois-ci, j’ai pris le temps de faire connaissance et de me marrer avec les locaux qui adorent cette vague et l’expèrience a été bien différente.
Comme je l’ai dit, Mason est amoureux de l’endroit. L’année dernière, il était en trip de l’autre côté de la planète et a vu qu’un swell arrivait sur l’Indo. Il a voulu tout lâcher pour s’y rendre. Il est incroyable dans ces vagues. Il connait tout le monde, sait quand surfer, quoi commander au resto, comment passer la commande, il connait l’endroit sur le bout des doigts. Sa confiance en lui dans ce lieu est sans égal.
Son surf là-bas, est du pur spectacle. Je ne sais pas si il est Rick james ou James Brown mais il est aussi funky que disco ou encore soul ou les trois en même temps. Il a tellement d’idées qu’il tente tout ce qu’il peut, du saut de lapin dans le tube au chien fou dans les airs. Il était super excité à l’idée de toutes les choses qu’il allait tenter. Il connait tellement la vague qu’il est constamment en train d’étudier comment s’éclater encore plus.
On a passé deux jours sur place super et éreintant, mais pour moi trouver des moments pour discuter tranquillement avec Pablo, la légende absolue sur ce spot, fut le plus spécial. Pablo surf cette vague depuis 50 ans et à construit toute sa vie en fonction. Tout ce qui compte pour lui c’est de surfer ce bout de reef. Boire ses paroles et écouter toutes ses anecdotes, juste lui et moi assis au fond du line-up… C’était vraiment cool.
Avec la baisse du swell, Mase et moi sommes repartis sur Bali passer des journées tranquilles à chercher quelques droites. Ces quelques jours de paresses sont les meilleurs passés à bali. Pas d’horaires, pas d’objectifs précis, pas d’inquiétudes sur la marée… On surfait ce qu’on trouvait. Et en plus nous sommes tombés sur de bonnes sessions avec juste quelques gars heureux et souriant, prêts à partager des vagues glassy.Même la droite de Canguu s’est montrée indulgente…