“ Mon obsession dans la vie est de combiner la trouvaille des meilleures vagues du monde avec les meilleures conditions de houle possible. ” – Ted Grambeau
Ca c’est le commentaire du photographe Ted Grambau expliquant comment, quelques semaines auparavant, il s’est retrouvé au soleil levant, tremblotant son appareil photo à la main quelque part sur une côte éloignée à l’Afrique. Tout surfeur rêve de ce mantra, mais peut on la chance de le vivre.
“ Je suis tombé par hasard sur des prévisions météo qui semblaient prometteuses pour cette région. Mais ça paraissait un peu loin quand même. Du coup je n’ai pas pris ça trop au sérieux. Mais comme je surveillais de près les évolutions j’ai commencé à trouver que ça devenait disons… exceptionnel. Peu après, une semaine environ, je montais dans l’avion en direction de Jo-Burg, convaincu que ça allait être un swell d’anthologie. ”
L’australien Luke Hynd, Tim Bisso de Guadeloupe et l’irlandais Gearoid Mc Daid se joignirent à Ted sur cette dure mission… Louie et Gearoid étaient déjà en Afrique pour un WQS et sur le point d’en repartir.
“ J’avais déjà mes billets pour rentrer chez moi, et me trouvais à l’aéroport, quand on m’a appelé ”, explique Gearoid, avec son épais accent irlandais. “ Je ne savais pas trop quoi faire après le QS et ça a été une super nouvelle d’avoir un vrai plan tout d’un coup. ”
De son côté, Louie a été rapide et efficace. “ Cette vague a toujours été sur ma liste de priorités. Principalement parce qu’elle est mécaniquement parfaite et en tant que Goofy, je suis toujours à la recherche de longues gauches. Donc quand Ted a commencé à m’en parler, j’ai raccroché et tout de suite organisé le voyage. Ted n’était pas encore sûr à 100% de partir mais je n’allais pas manquer la chance de surfer la vague de ma vie, même en solo. ”
Le voyage en en soi est déjà le premier test de cette vague.
Quelque soit l’endroit dans le monde d’où vous venez, la durée et les efforts que nécessitent ce genre de déplacement sont un challenge en soi… Si par chance on arrive à attraper la dernière connexion à destination et qu’on s’apprête enfin à charger un 4X4 qu’on a mis une demi-journée à trouver, et bien les chances de n’avoir récupéré qu’une partie de ses planches sont immenses… Une fois qu’on s’est résigné à cet état de fait, on quitte enfin l’aéroport et la ville pour une longue traversée dans l’inconnu…
Dans ce cas précis, ils pouvaient observer sur les dunes poussiéreuses des piles et des piles de voitures abandonnées, rouillées et à demi assemblées. Ces voitures sont tellement encastrées les unes aux autres qu ils seraient impossible de les démanteler. Ici, en traversant ce désert de voitures, on se sent sur une autre planète.
La vague déroule comme dans un rêve. Tu l’observes et tu te vois déjà à l’intérieur des meilleurs tubes de ta vie. Mais 10 secondes plus tard, le tube a doublé de taille au dessous du niveau de la mer et tu te retrouves enfermé dans un vrai cauchemar collé sur le fond sablonneux. Cette vague te plaque au sol comme sur un roller coaster dans le noir. – Tim Bisso
Mais trois jeunes chargeurs qui n’ont rien à perdre, accompagnés de deux photographes vétérans des plus déterminés, forment une équipe de choc, et le groupe s’est rendu sur la vague aussi vite que possible.
“ On ne peut pas faire plus éloigné de chez moi ”, dit Louie, “ Alors c’est sûr que le voyage a été long mais ça en valait chaque minute et chaque centimes. Dès le premier réveil, on a ressenti une forte anticipation et des papillons dans le ventre. ET quand on a traversé les dunes et jeté un œil à cette vague magistrale… ça restera un des moments les plus excitants de toute ma vie. ”
Au crépuscule l’air est glacé, le genre de froid cuisant que l’on ressent au fin fond du désert. Un brouillard épais plane presque tous les matins le long de la côte émanant des eaux froides.
Et en dévalant les dunes, les gars sont restés ébahis devant cette scène, pouvant à peine déchiffrer le line-up parfait de six pieds avec un vent off-shore relativement fort.
“ Cette vague, c’est du jamais vu, totalement unique ”, explique Ted en comparant avec ses expériences passées. “ Effectivement, la houle frappe totalement de côté sur un banc de sable plat et déclenche une machine à broyer… ”
Cela faisait l’effet d’un bateau sur une rivière générant de petites ondes parfaites se succédant sans jamais se briser. C’était pareil mais en fonction de la marée et avec une bonne direction de houle, l’impossible devenait possible.
Louie, Gearoid et Timmy n’ont pas perdu de temps pour tester le line-up. Dès que la visibilité s’est améliorée, les trois surfeurs se sont confrontés à une mise à l’eau particulièrement délicate. C’est tellement peu profond et traitre qu’il est impossible de faire le canard sur la zone d’impact. Ca, et le fait que les lignes arrivent complètement de côté… Si tu te fais avoir, il n’y a aucun échappatoire.
“ La première fois, on est passés sans problème, mais ça n’a pas trainé avant que des tubes violents ne nous rattrapent ”. Raconte Tim Bisso
“ Sur la première vague que j’ai prise je me suis quasiment cassé le nez. J’étais juste devant Ted et Paul Daniel, notre cameraman et j’ai pensé qu’à moins de prendre la première vague, le courant allait m’éloigner d’eux. J’ai démarré, bien trop tard, me suis levé sur mes deux pieds en même temps que la lèvre s’abattait violemment sur moi. Je suis tombé la tête la première sur le sable et me suis démis une épaule tout en me tordant les ligaments sur l’autre. ”
C’est réellement une vague compliquée. A 1,50m, tu peux penser qu’elle a l’air parfaite et facile, mais elle rassemble toutes sortes de dangers. Le banc de sable est à fleur d’eau et la vague déroule sur plus de deux kilomètres à la vitesse d’un train. Elle balaie tout sur son passage, comme si l’océan entier y passait.
“ Certains jours, dit Ted, ils se faisaient balayer sur 2km sans même prendre une vague, à la suite de quoi ils devaient repartir à pieds en haut de la pointe pour essayer de se remettre à l’eau. Ca arrivait souvent, et tant bien même, il fallait de toute manière remonter à chaque fois la plage à pieds pour tenter de prendre une vague. C’est un cycle marrant à regarder, dès les premières lueurs du jours, on pouvait voir les gars faire des footing et des séances d’apnée. A la fin de la journée, ils étaient morts… ”
“ Le décalage entre le côté glamour de la vague et la réalité est inimaginable. Chaque take-off est une vraie prise de risque quasiment sur le sable avec cette masse super puissante qui t’arrive dans le dos. Même la taille de la vague peut-être souvent sous-estimée. ”
Perhaps Tim Bisso, who suffered the wrath of the wave first-hand, described it best :
C’est certainement Tim Bisso qui s’est durement fait ramasser dès le début qui décrit le mieux la situation :
“ La vague déroule comme dans un rêve. Tu l’observes et tu te vois déjà à l’intérieur des meilleurs tubes de ta vie. Mais 10 secondes plus tard, le tube a doublé de taille au dessous du niveau de la mer et tu te retrouves enfermé dans un vrai cauchemar collé sur le fond sablonneux. Cette vague te plaque au sol comme sur un roller coaster dans le noir. C’est de loin la vague la plus puissante que j’ai jamais surfé. ”
Mais c’est avec ce genre de risques que l’on est le plus récompensé, ça vaut le coup de poker. Si le surfeur a le niveau pour ce genre de vague, comme l’explique Timmy, c’est juste le pied. Ferme tes yeux et imagine un Kirra en feu sur deux kilomètres au milieu d’une abysse désertique.
Après ce premier jour le swell s’est levé ainsi que le brouillard. Louie et Gearoid se sont levés sur une journée magnifique, étonnamment claire.
Absolument glassée mais avec des séries de 2,50m, enroulées le long de la côte aussi loin que le regard pouvait se porter. Les vagues semblaient dérouler à l’envers et les plus grosses ne semblaient pas surfables. Mais c’était un spectacle inoubliable.
“ On surfait chaque vague si longtemps et sur une si grande distance que je n’ai carrément pas croisé Louie ce jour-là ”, se souvient Gearoid.
“ Du lever au coucher du soleil, c’était chacun son tour non-stop. Je crois qu’après avoir surfé du crépuscule à la quasi nuit j’ai dû au moins ramer 30 kilomètres si ce n’est plus ”. C’était le rêve de Louie de surfer cette vague, et il était bien disposé à optimiser cette occasion unique. “ A la fin de la journée, je me forçais à repartir au pic parce que je savais que c’était sûrement une chance unique de surfer ce genre de conditions… La récompense de réussir à bien choisir ses vagues est l’une des meilleures sensations possible… ”
Louie se considère comme assez performant dans les bonnes gauches (ce qui est vraiment une sous-estimation) et pourtant il n’arrivait pas à passer la dernière section de la vague 90% du temps. Si lui n’y arrive pas, peu de surfeurs le pourront…
Ce n’est pas une vague pour les petites natures.
Ce n’est pas l’endroit qui va te donner confiance quant à tes acquis en surf. C’est un endroit qui est régulé par les lois de l’océan et qui va te fournir les meilleures sensations de ta vie pour te les reprendre une minute plus tard. C’est le résultat quand on Search la planète et que l’on pousse ses limites dans le sens le plus profond du terme. C’est comme sauter sur un train de marchandises à pleine vitesse dans le coin le plus reculé de la planète, c’est à vous couper le souffle.