« Etonnant, éloigné, isolé, inconnu… ». Il y a mille manières de décrire ce trip, mais ce qui est certain, c’est qu’il fut unique dans son genre. C’est aussi l’intérêt de ce genre de voyage : partir sans savoir ce qui nous attend…
Tout a démarré à Huntington Beach, où Alana Blanchard, Tyler Wright et Nikki Van Dijk venaient de passer deux semaines dans le chaos de L’US Open. Le lendemain de la finale de cette compétition, elles ont eu la consigne de se rendre à l’aéroport, sans aucun plan précis, mais prêtes à partir.
Le lendemain, le réveil sonnait à 3 heures du matin. Les housses pleines de planches furent attachées sur le toit de la voiture et Alana, Tyler et Nikky prirent le chemin de l’aéroport. Sans aucune attente. Aucunes infos. Juste une pile de billets d’avion et 72 heures de voyage à venir.
« Nous ne connaissions pas du tout notre destination jusqu’à l’arrivée à l’aéroport. On se disait : ok, on est aux USA, what next ? Je savais juste que je partais avec Tyler et Alana, que j’allais les suivre dans l’avion et espérer que ce soit cool.” explique Nikky. « Ce qui suivit fut trois longs vols, deux trajets en voiture, un en bus et un en bateau. Après ça, une nuit en Australie, une autre à Kuta, avec une arrivée sur place après minuit, ce qui n’avait aucune importance vu que nous étions décalquées, en mode crises de fou rire nerveuses. »
« C’est super excitant et il y a un vrai suspens à ne pas savoir où l’on va atterrir. » nous dit Alana. A ce moment là, nous sommes dans un restaurant très cool durant l’une des dernières soirées du trip. Elle est affalée sur un canapé, grignotant un plat vegan et portant son tee shirt ACDC avec un short boxer. A côté d’elle, nous sirotons une Bintang avec le reste du groupe, en se remémorant la semaine passée. C’est de cette manière que s’est passé tout le séjour : se prélasser dans la chaleur, tranquilles et relax.
« On se perd soi-même dans ce genre de voyage. » continue t-elle, tout en trempant un bout de carotte dans une sauce à la cacahuète (qui a représentée l’un des points forts majeur de ce voyage). « Oh mon dieu que c’est bon ! Tu sais quoi ? Ne plus penser à rien, ne pas anticiper ce qui va arriver, juste être là, au point même que je m’en foutais du genre de vagues qu’on allait trouver… C’était juste énorme de se sentir sur un vrai Search trip une nouvelle fois. »
Ce manque d’attente est arrivé à point sur ce trip. On avait choisit cette destination en fonction des prévisions qui annonçaient l’arrivée d’une gauche de rêve, dont nous avions entendu parler. Et les premiers jours, nous avions vraiment espoir. On sautait dans la voiture ou sur nos vélos pour checker le spot à une trentaine de minutes de là. On se tenait sur la plage en scrutant l’horizon et en clignant des yeux. Et à chaque fois, une onde d’eau se heurtait au récif, en essayant vraiment de se redresser, mais en vain. Alors on repartait de plus belle sur la route à la recherche d’un nouveau spot, d’un line up digne de ce nom, d’un autre endroit où se jeter à l’eau.
Normalement, ce genre de situation provoque une vague de désespoir et de frustration. Les surfeurs seraient tendus et stressés.
Il y aurait beaucoup de « Mais pourquoi on s’est fait chier à venir jusqu’ici ? ». Mais non, il n’y a rien eu de tel ici. On continuait à partir en excursion en suivant les conseils de locaux, à la recherche d’une plage secrète et ça, c’était cool. On arrivait alors sur une autre vague avortée ou un autre tube inexistant… Peut-être étions-nous là juste pour explorer et nous balader en rigolant, et pas vraiment pour surfer. Chaque jour fut un succès, mais pas comme cela avait été prévu à l’origine.
« Tu sais, dit Nikky, c’était quand même un bon trip pour les vagues. C’est vrai, on n’a pas eu de chance avec les swells qui ne sont jamais vraiment arrivés. »
Tu peux toujours partir en trip et t’attendre à surfer certaines vagues, ou trouver de bons swells, ou ceci, ou cela, mais c’est trop facile de tomber dans le négatif. Ça devient obsédant et ça peut ruiner l’expérience.
« Si tu pars avec des convictions ou que tu planifies tout à l’avance, ça enlève pas mal de suspense. Tu sais déjà comment ça va se passer. Alors que ce genre de trip… On a fait ce qu’on voulait quand on voulait. Non, on n’a pas trouvé ce que nous étions venu chercher en premier lieu, mais on était libre d’explorer comme on en avait envie. On a fait notre propre Search, pas selon les règles de quelqu’un d’autre. »
Jour après jour, on a appris à prendre notre temps, à trainer et à apprécier la compagnie des unes et des autres, surfer, manger, dormir à volonté, boire des jus de fruits frais, avec un peu de vodka le soir, tout en jouant aux cartes ou en regardant des films…
Il ne s’agissait pas de scorer la perfection (même si cela est quand même arrivé), ni de s’entrainer en prévision des compétitions. Et les filles sur ce trip avaient besoin de cet état d’esprit.
C’était le cas pour Tyler, qui venait de passer les 12 mois les plus intenses de sa vie à la fois sur un plan personnel que professionnel, mais aussi Alana, qui apprend à inventer une nouvelle carrière sans le surf pro, ou encore Nikky, qui a enfin trouvé ses repères sur le World Tour. Trois personnes différentes mais complémentaires.
Il est évident que Tyler a gagné en maturité depuis 2015, depuis l’accident d’Owen. Alana et Nikky se référaient souvent à elle quand il fallait prendre des décisions sur où et quand aller surfer et même où se mettre à l’eau. « Hey Mum, on fait quoi maintenant ? ».
Alana a surfé comme une diablesse. C’était à se demander d’où vient la puissance de ses fines jambes, nourries exclusivement aux graines et aux légumes.
Elle a pris la bombe du trip en droppant un gars qui persistait à partir sur toutes les vagues. Ce qu’on pourrait appeler « un gros braquage », mais avec la grande classe.
On ne l’avait jamais vu surfer aussi bien que sur ce trip, mais toujours en phase avec sa décision de se retirer du surf professionnel.
Nikki, la plus jeune du groupe, était ravie de se référer aux deux autres à l’eau. On pouvait voir l’esprit de compétition quand elle ramait à côté de Tyler et faisait tout pour la dépasser. « Allez Nikki, rame plus vite ! ». « Surfer avec ces filles est très stimulant. Alors que Tyler place un gros roller juste en face de toi, Alana pousse son bottom à fond sur la vague suivante. C’est vraiment inspirant et rare de bénéficier de moments pareils. » explique t-elle.
Tyler ne pouvait qu’approuver quand je lui demandais quelle partie du voyage elle avait préférée : « Juste surfer avec les filles, répondit-elle. Sans le stress que l’on doit gérer en temps normal. Surfer de nouvelles vagues, se balader, s’amuser… »
« Ou encore, ce jour où on a découvert cette cascade hallucinante après plusieurs heures de marche en forêt. Un endroit magique, complètement retiré du reste du monde. Une beauté toute simple qui calme et détend. Tu restes assise là, sans penser à quoi que ce soit. ».
Et à ce moment précis, le mot « Search » prend tout son sens. Ne rien attendre, faire un break et se retrouver.
Je demandais à Alana si elle trouvait que ce voyage avait valu le coup, puisque privé d’un véritable swell. « Définitivement. On ne trouve pas d’endroit comme celui ci quand on reste trop près de la civilisation. Sans empreinte de l’homme, un endroit vierge, pur et on s’y sent véritablement libre. ».
Le retour fut violent, avec huit heures de retard sur les vols et des heures à attendre, ou bien à l’inverse, courir d’un avion à l’autre et d’un aéroport à l’autre.
Nous n’avons pas eu de houle mémorable, mais avons vécu une expérience bien plus personnelle. C’est aussi ça le Search et la raison pour laquelle on repart dès que l’on peut : pour trouver une nouvelle expérience.